Simple rite ou foi profonde, la religion catholique a fortement imprégnée la Corse. Encore aujourd’hui les saints sont célébrés dans chaque village. Noël, Pâques, Pentecôte… sont fêtés et les fidèles ou les non-croyants sont de plus en plus nombreux à assister à ces célébrations. Je vous invite à une brève découverte des traditions et de la gastronomie autour de Noël en Corse, avec ses rites et ses croyances ainsi que l’héritage que nous ont laissé les anciens.

La crèche

La crèche est apparue en Corse au XVIIIe siècle. Peu à peu, elle s’est installée dans les églises. Le prêtre la préparait, aidé généralement des villageoises : une cabane de bois ou de paille, garnie de houx – symbole de joie mais aussi en rappel aux épines de la couronne du Christ et aux gouttes de sang – de gui et d’arbousier portant ses fruits au ton rouge orangé. Le fond de la maisonnette était tapissé de mousse. Puis, on plaçait les santons de plâtre en laissant une place pour déposer l’enfant Jésus, le bambinu. Souvent plus grand que les autres santons, il était fabriqué en cire.

Crèche de Noël

Photo : Garten-gg

Les feux de Noël en Corse

Autrefois, les feux de Noël, fochi di Natale, embrasaient les places des églises. Ils duraient bien souvent jusqu’à la nouvelle année. Il fallait donc beaucoup de bois. On commençait à le ramasser dès le début du mois de décembre. Tout le monde dans les villages y participait, surtout les plus jeunes. Tout était bon pour alimenter un feu : bois de chauffage, bois à jeter, souches, branchages et troncs…

Avant la messe de minuit on allumait l’immense tas de bois. C’était, pour les enfants, un moment de joie et d’émerveillement. A la sortie de la messe, chacun prenait un tison qui servirait à allumer le feu dans chaque maison.
Cela se faisait dans tous les villages de Corse.

A la maison, on avait préalablement coupé une grosse bûche de chêne et elle était mise au feu le soir de Noël.  On plaçait souvent dans la cheminée autant de bûches que de personnes vivant sous le même toit. On y ajoutait parfois des souches de bruyère. Ainsi, le feu, ravivé régulièrement, durait jusqu’au 1er de l’An.

La veillée de Noël

Clôturant le temps de l’Avent, le repas de la veille de Noël est maigre mais il n’est pas pour autant triste !
Ce pouvait être une soupe de pois chiches ou de haricots blancs ou de tous les légumes de saison que l’on avait sous la main. Aujourd’hui on la retrouve – bien sûr améliorée – au menu de nombreux restaurants sous le nom de « soupe corse » ou « soupe paysanne ». On pouvait remplacer cette soupe par des châtaignes grillées.
Dans certaines régions, en bord de mer, on agrémentait la soupe d’une brandade de morue ou de poulpe ou encore de poissons frits ou grillés.

Lorsque les cloches sonnaient, on allait à la messe de minuit. C’est à ce moment-là, dans cette nuit de Noël, que les plus âgées apprenaient aux plus jeunes les prières pour exorciser le mal. Prières courtes, mentionnant Jésus, Marie, les saints, elles étaient transmises oralement et ne pouvaient être transcrites. Il ne fallait pas oublier ces formules. Si on les oubliait c’est qu’on n’était pas digne de les savoir.
Grâce à cet apprentissage, l’initiée pouvait ensuite « guérir » les verrues, les coups de soleil, les brûlures ou à lutter contre le mauvais œil – l’ochju – en faisant lecture des gouttes d’huile dans une assiette d’eau.

On s’offrait de menus présents : l’orange de Noël bien sûr puis des friandises, des papillotes, des châtaignes ou des noix. D’autres fois c’était des chaussettes de laine, une veste de velours… Pour les enfants quelquefois une toupie, un tambour ou une poupée. En tous les cas, la nuit de Noël, aucune personne du village ne restait seule.

Feu dans une vieille cheminée

La messe de minuit

L’église comble, tout illuminée – ça sentait la cire d’abeilles – aux approches de minuit, le curé apparaissait. Les lumières transfiguraient l’intérieur de l’édifice ; on ne voyait plus que les angelots, les retables et les statues comme sorties de l’ombre.

La messe était assez longue et se terminait par le Gloria in excelsis Deo, permettant de présenter enfin l’enfant Jésus que tous attendaient. Celui-ci était ensuite déposé dans la crèche.
A minuit, les hommes, sur le parvis de l’église, tiraient des coups de fusil pour célébrer la naissance de l’enfant Jésus.

Au retour de la messe, on prenait une collation. En général, une tasse de chocolat chaud, accompagné de biscuits ou de fruits confits.
Ce n’est que plus tard que le réveillon que nous connaissons s’est généralisé.

Eglise d'Olmeto la nuit

Le jour de Noël en Corse

Après la messe de l’aurore, il y avait la messe de 11 heures, messa parata, pour ceux qui habitaient dans des hameaux éloignés et n’avaient pu être présents la veille.

Le repas se faisait ensuite en famille. Il se composait de choses simples : charcuteries faites maison, cabri ou agneau ou anguille grillée. Le cabri n’avait que quelques semaines et n’avait été élevé qu’au lait de la mère lorsqu’il était abattu.

Selon les régions, on le faisait en broche, rôti sur la braise ou en sauce. Le feu était nourri de bois de chêne, d’olivier ou de sarments de vigne. Salé et poivré, le cabri était embroché et placé entre deux bûches. On le tournait lentement pour le faire dorer. Régulièrement, on le retirait du feu pour l’arroser de vin blanc aromatisé afin d’éviter son dessèchement et pour le parfumer. Parfois on le badigeonnait d’une sauce d’ail pilé, de vinaigre de vin vieux et d’huile d’olive.
Le cabri était accompagné de pâtes ou de polenta de farine de châtaigne ou encore de pommes de terre.

Les abats étaient également consommés sous forme de brochette, cuits à la broche et arrosés de sauce au vinaigre. On pouvait aussi alterner avec des morceaux de pain ou des carrés de lard et de petit salé. Une fois qu’ils avaient bien sué, on enveloppait le tout dans une crépine. Puis on terminait la cuisson en enroulant les boyaux fins autour de la broche et en arrosant de sauce.

Pour Noël, on servait du boudin. Le sang était battu, passé à la passoire fine. On y ajoutait de l’eau, du sel et du poivre, ainsi qu’un petit piment de Cayenne sec et broyé.
Les sangui d’erbe était une sorte de boudin rempli de blettes sauvages mélangées à des oignons, de l’ail ou du céleri et à des plantes aromatiques – menthe poivrée, nepita, persil. On versait ce mélange dans des boyaux. Une fois plein, on les ficelait et on les plongeait dans une eau frémissante, trois fois de suite. Puis on les faisait cuire, pas plus d’une demi-heure afin d’en conserver tout le moelleux.

Clémentines corses
Chataîgnes corses

En dessert, on servait de la crème, faite avec le lait de chèvre ou de brebis, accompagnée d’œufs battus en neige et des beignets au brocciu. Les fruits étaient rares dans les villages de montagne mais on trouvait sur la table de Noël de certaines familles des oranges, des mandarines et des cédrats. Les pommes reinettes étaient plus fréquentes, ainsi que les fruits séchés – figues, raisins, pêches – et les fruits secs – noix, noisettes, amandes.
On mangeait aussi des biscuits secs, préparés plusieurs mois à l’avance, des biscuits à la farine de châtaigne, du pain d’épices ou des oreillettes, frappi.
Le vin était réservé aux jours de fêtes, le reste du temps c’était de la piquette. L’eau-de-vie, acquavita, était en abondance sur les tables de Noël.
Après le repas, les femmes et les enfants allaient aux Vêpres solennelles.

Menus de Noël corse

Voici trois menus de Noël en Corse que j’ai choisis et que vous pourrez essayer.

♣ Charcuterie corse
♣ Poutargue de mulet et coquillages
♣ Cabri rôti et lasagnes aux légumes sauvages et au brocciu
♣ Salade aux noix
♣ Fromage
♣ Buche de Noël

♦ Artichauts farcis aux brocciu
♦ Anguille grillée
♦ Tarte aux blettes sauvages et au brocciu
♦ Chaussons au brocciu
♦ Crème brûlée

♥ Figatellu grillé au feu de bois
♥ Boudin aux blettes sauvages
♥ Veau aux olives et polenta à la farine de châtaigne
♥ Fromage
♥ Ile flottante

Noël en Corse c’est voyager autrement. Sans la foule estivale et sans la chaleur de l’été. Se retrouver parmi les Corses, vivre à leur rythme, partager leurs coutumes.
Assister à une messe de Noël, pourquoi pas ?
Déguster pour la première fois un figatellu cuit au feu de bois ou un sangui d’erbe ?
Etre en immersion, s’ouvrir à l’authenticité, apprécier ces lieux magiques différemment.

La Casa Anghjulella est ouverte toute l’année et peut vous accueillir en décembre :

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